Irrigation: si on arrosait ça?

Du 18 février au 3 mars 2019

Deux semaines écoulées depuis le dernier billet, et j’ai une excuse toute trouvée pour cette rupture du rythme hebdomadaire. En fait, c’est presque le chantier du siècle que nous venons tout juste de boucler, un chantier qui ne pouvait pas attendre, qui ne fut pas de tout repos et qui justifie une telle absence. J’ai nommé: l’irrigation. Car à 1 mois des premières plantations de la saison dans des tunnels de culture abrités, par définition, de la pluie, il fallait préparer le sol, et d’abord l’humidifier. Il commençait à être urgent de faire jaillir le précieux liquide. D’autant plus précieux que l’étanchéité de notre lac n’a pas cessé de nous inquiéter, ce dont nous parlerons aussi dans ces lignes. Deux semaines d’un récit poignant, donc.

L’aventure commença par la réception en magasin, à Marmande, d’une pompe électrique triphasée, parfaite pour son prix et sa capacité à pousser 12m3 à l’heure avec assez de pression pour faire pépier mes asperseurs malgré le dénivelé. Ces messieurs avaient étudié les tenants et aboutissants de l’affaire, je gagnais quelques points d’érudition. Un jour et demi plus tard, j’avais construit une cabane en bois pour abriter l’engin. Dérouler et passer dans une gaine un lourd câble de 200m ne fut pas une partie de plaisir, une autre demi-journée. Le lendemain, le schéma électrique étant trop complexe pour le voisin venu en renfort, je retournais au magasin où l’on me fît un dessin. Branchement enfin effectué, on appuyait sur le bouton avec excitation: ça ne démarrait pas. Je passais alors 2h au téléphone avec mon beau-frère électricien de Nouvelle-Zélande. Je retournais à Marmande. Rien à faire, le branchement semblait bon. Finalement, un fil mal connecté au tableau général fut désigné coupable. Ça tournait, on allait pouvoir arroser sous les tunnels.

La pompe est en place, et si on arrosait?

En fait, rien n’était joué. Certes, j’avais fait le plein de raccords, colliers de prise en charge, bouchons, vannes et autres accessoires à un magasin de Fauillet. Certes, nous avions déroulé un beau tuyau de PE au plafond des tunnels de culture. Lui-même raccordé à d’élégantes vannes, elles-mêmes branchées sur un tuyau plus gros. Le voisin Garonnais suggéra que je déplace ce gros tuyau de distribution à l’autre bout des tunnels, en haut de la pente, histoire d’avoir les pieds au sec pour la manipulation des vannes. On perdit quelques heures. Ensuite, il fallut installer une crépine à l’extrémité d’un autre tuyau, depuis le milieu du lac jusqu’à la pompe. Garonnais nous avait fait cadeau de quelques dizaines de mètres de tuyau, mais ils avaient définitivement trop vécu. Je retournais à Fauillet pour acheter une couronne de 100m neuve. Ne restait plus qu’à installer les asperseurs dans les tunnels. On le ferait le lendemain. Et après, on arroserait. Ça urgeait.

Le lendemain, débarqua l’entrepreneur qui avait creusé le lac. La semaine précédente, assez abattus depuis le constat que la digue de celui-ci avait tout d’une passoire, nous avions pressé ce monsieur de profiter d’un estival mois de février pour tenter de réparer les dégâts. L’homme manœuvra son tractopelle sur et à travers la digue, dont il consolida l’ancrage et évacua quelques drains oubliés. À son avis, le problème était en grande partie réglé, et de toute façon il n’avait pas que ça à faire. Échaudé par sa légèreté nous décidâmes d’attendre la prochaine pluie pour renégocier, ou pas, le prix de l’ouvrage et refusâmes poliment de lui rembourser les frais de carburants pour cette nouvelle intervention. C’était un pénible intermède, mais nous l’espérions nécessaire. En attendant, nous n’arrosâmes rien ce jour-là. Mais le lendemain, sûrement. Car il le fallait.

Y a-t-il assez d’eau dans le lac?

Le matin de bonne heure, nous étions à pied d’œuvre. La pompe démarra, mais l’eau du lac refusa de grimper jusqu’aux serres. Je soupçonnais le moteur de tourner dans le mauvais sens, échangeais deux phases, relançait la machine. Sans succès. Nous réamorçâmes la pompe, échangeâmes à nouveau les phases. Finalement, l’arrosage se mit en route, mais l’eau cessa de gicler au bout de 2 minutes. Le voisin Garonnais revint à la rescousse. Songeant à un bouchon, nous avons démonté la turbine, sorti du lac la crépine pour l’inspecter, remplacé le tuyau d’aspiration, vérifié le filtre à tamis… À chaque lancement, la pompe se désamorçait après 2 minutes. En désespoir de cause, vers 17h, j’appelais le vendeur, qui diagnostiqua une arrivée d’air quelque part. Un raccord ma serré? On en avait oublié un seul, auquel on mît un tour de clé à griffe. Le dernier essai fût concluant! Le lendemain, on arrosait, garanti.

Et on arrosa. J’avais espéré que le miracle se produisit le jour de mes 40 ans, histoire de trinquer utile, nous avions 4 jours de retard. Ça n’était pas tout à fait fini: les asperseurs dans les tunnels, placés trop hauts, n’arrosaient pas suffisamment les planches du bord. Il fallut les décrocher un par un, changer le tuyau, les replacer. Enfin, on mouilla pendant 1h30. L’après-midi, je pus me rendre à Seyches y abattre quelques arbres qui feraient du bois de chauffage pour dans deux ans. Le printemps étant en avance, ils pissaient déjà la sève à gros bouillon. Trop tard pour la taille des derniers arbustes au jardin. Laëtitia retourna pour la deuxième fois prêter main forte à Sandie et Damien, copains agriculteurs membres du Biau Germe, dans un difficile exercice de désherbage de la mâche. Entrecoupé de tâches administratives, d’allers-retours en ville et autres commandes de matériel, le chantier irrigation avait finalement duré 10 jours.

Du fumier pour les tunnels

Fin de semaine, nous accueillîmes Stella, Clément et leurs trois enfants. J’entendais bien soutirer des conseils à l’ancien maraîcher, et peut⁻être du renfort dans les ultimes opérations avant plantation: désherbage sous les tunnels, épandage de 2 tonnes de fumier de bovin pris chez notre voisin Pépito. On profita du week-end pour souffler: en tenue de ville j’assistais à l’AG de l’ADEAR, on matait Le Corniaud en famille, on organisait une visite guidée de Lauzun et, sans préméditation, on y prenait nos places pour le concert d’une fanfare suisse le soir-même: l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp XXL. Les anglais squattaient le bar, le boucher du village chauffait les frites et les fajitas. Dans une ambiance bon enfant, mais survoltée de percussions afro-beat, on planait loin, très loin de nos maudits tuyaux. On arrosait ça.

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