Du 8 au 21 juillet 2019
Lundi, c’était le jour d’après. Le début d’une nouvelle ère. Nous reprenions une vie normale après une semaine d’intense préparation et trois jours de chahut à la ferme. Une belle fête d’anniversaire pour laquelle nous avions mobilisé pas mal d’énergie, avec le concours de nos deux WWOOFeurs, Marine et François. En récompense, ces deux-là s’envolèrent quelques jours, l’un vers l’océan pour y faire la planche, l’autre vers le lac de Tombebœuf pour une paisible retraite. La maisonnée retrouva son calme habituel, mais c’était désormais assez inhabituel, et nous nous sentîmes, blondinette et moi-même, presque esseulés. N’empêche, la routine reprît son cours, avec un peu moins d’efficacité. Nous étions maintenant amputés des deux membres, et aussi un peu fatigués de nos exploits. Il fallait continuer à prévoir l’avenir: je préparais une commande de plants de fraisiers, et me mettais en quête de compost à épandre sur les futures planches de culture.
À part ça, la semaine s’écoula à un rythme décontracté, entre nettoyage du site et rangement du matériel: chaises, tables, sono, fûts de bières, gobelets, barnum et congélateur furent restitués à leurs propriétaires. J’accomplissais la corvée quotidienne de récolte et d’arrosage, et me rendais au marché. Pour la première fois de ma vie, je foulais le pavé médiéval de la bonne cité de Pujols, et y déchargeais ma marchandise. Je battais d’entrée mon record de vente, sans doute avantagé par une belle récolte de haricots verts, mais aussi par le fait que j’étais le premier et unique maraîcher bio de l’endroit! Une opportunité que je ne regrettais pas d’avoir saisie, après que Cathy de la ferme de Nicoy et Seb de la ferme de Lou Cornal, eux-même habitués de Pujols, me l’eurent soufflée à l’oreille. Je gardais bien sûr dans le cœur une place pour mes fidèles de la vente au golf de Tombebœuf, que j’avais sacrifiée pour Pujols à cause du trop grand nombre d’invendus, en espérant qu’ils se rabattent sur les paniers à la ferme.
La semaine suivante, retour de Marine et François. La première, pas au mieux de sa forme, prit rendez-vous chez le toubib après avoir largement contribué à pailler les pommes de terre. Verdict: une otite et du repos forcé, retour à la villégiature. La confrérie se disloquait à nouveau, il y eut un peu moins d’ambiance à l’heure du repas. Avec François, nous binâmes les oignons, nous détruisîmes une planche de carottes dont j’avais raté le semis faute d’un système d’irrigation efficace, et nous palissâmes les concombres de plein champ sur grille (pour éviter que la plante et les futurs fruits ne s’abîment au contact du sol). Le savoyard m’accompagna aussi au marché de Villeneuve-sur-Lot, et planta une demi-planche de basilic vert et rouge. Le métier rentrait à toute vitesse, pour lui comme pour moi. Le jeudi, Marine était guérie et nous avions davantage de compagnie en la personne de Marie, descendue pour les vacances de la banlieue parisienne avec sa fille Nina. Ensemble, elle se mirent rapidement aux fourneaux et, la panse bien garnie (d’un fameux caviar d’aubergine et d’un moelleux au chocolat noir, notamment), on décida de les y laisser.
Jeudi, notre voisin Garonnais vint préparer, à l’emplacement des fraisiers, quelques planches de culture avec une butteuse attelée derrière son tracteur. Je chargeais ensuite Marie et François d’y épandre du fumier, dont il restait quelques monticules ci et là. J’étais devenu un véritable contremaître, lançant les ordres sous le soleil avant de retourner à l’ombre de mon bureau. C’est que j’avais le site web d’un lycée parisien à livrer, et que démarrait le chantier d’électricité et d’isolation paille des murs de l’étage. On planifia l’achat de câbles, de boîtiers électriques, de tasseaux et autres chevilles à frapper… Après avoir visité le jardin dans tous ses recoins, nos deux WWOOFeurs passèrent aux combles, où les attendaient le nettoyage de la charpente, passablement mitée par les capricornes et les vrillettes, et qu’il fallait traiter avec un insecticide. On leur permit cependant de revoir le soleil à l’occasion de l’annuelle foire bio de Villeneuve-sur-Lot, organisée par Agrobio47, où chacun reçut un massage de Laëtitia qui y représentait l’espace bien-être avec sa chaise de massage Amma assis.
Le lendemain, Laëtitia se rendait à la fête de Moulinet, et connaissait un succès mitigé avec ses massages de réflexologie plantaire. C’était mon deuxième marché de Pujols, où je vendais moultes tomates anciennes, quelques melons, de l’ail et des pommes de terre nouvelles, entre autres. Je gagnais haut la main une sieste devant l’ascension du Tourmalet, car la veille j’avais réussi à arrondir les fins de mois en jouant jusqu’à tard les assistants barbecue à une soirée musicale du golf de Tombebœuf. Après presque 120 côtes de porc, j’y passais un peu de bon temps avec les copains du groupe Märs et nos WWOOFeurs attablés. Avec le marché nocturne de Laparade, c’était la deuxième fois que nous sortions, pour ainsi dire, en famille, car cette vie commune à la ferme nous réussissait visiblement si bien, même pendant les heures de travail — travail que chacun, au fond, était venu trouver ici pour son besoin personnel — que nous n’hésitions pas à prolonger cette complicité dans les fêtes de village… dont ce pays regorge littéralement. Et dont on vous a souvent parlé ici. Une raison de plus pour venir… rejoindre la famille!