Du 22 juillet au 11 août 2019
Pour nos lecteurs férus de technique, on signalera que l’isolation de l’étage de la ferme de Videau est constituée de panneaux de laine de bois posés en rampants (c’est à dire en suivant la pente du toit) il y a près d’un an, et que ceux-ci n’ont jamais été recouverts de parement. Les murs de cet ancien grenier reconverti en grand dortoir et qui accueillera deux chambres et une salle de bains dans un futur proche étant restés de brique apparente, l’étanchéité à l’air de l’ensemble laissait largement à désirer: la chaleur du poêle de l’hiver précédent n’avait eu aucun mal à y trouver des échappatoires. Pour ce mois d’août, il avait donc été décidé de mener à terme ce chantier isolation, et comptant sur l’aide de nos épatants WWOOFeurs nous avions prévu de doubler les murs en brique avec un mélange terre-paille allégé, lequel aurait le temps de sécher avant l’arrivée du froid. L’hiver 2019 serait donc isolé… ou ne serait pas!
Pour commencer, on chargea Marine et François d’appliquer un produit anti-insecte xylophages, car notre charpente était infestée de capricornes. C’était une belle entorse à nos convictions écologiques, mais seul un insecticide pouvait nous prévenir des dégâts commis par ces bestioles, et la finalisation des travaux allait rendre toute intervention ultérieure impossible. Ensuite, on démarra la construction d’une structure en liteaux de bois, un genre de cage de 20cm de large le long des murs, du sol au plafond, destinée à recevoir le mélange isolant terre-paille. François avait derrière lui une année de charpente, ce petit puzzle se présentait donc comme un jeu d’enfant. De mon côté, je m’attelais au passage des gaines d’électricité qui devait desservir les trois pièces. Tout cela marquait le début d’un long chantier qui allait s’étirer jusqu’en octobre.
Côté jardin, on plantait une série de laitues commandée à Benoît, horticulteur du Temple-sur-Lot. Après les nombreuses pertes de laitues dues à la chaleur et au manque d’arrosage, je pouvais au moins suggérer un nouveau planning à mes clients: prochaine récolte avant la fin du mois. Derrière les choux et haricots du tunnel n°3, je semais à la volée un mélange sorgho/trèfle donné par Sabine sur un sol enrichi de fumier. La saison prochaine se préparait dès maintenant avec cet engrais vert qui apporterait sa biomasse au sol à chaque fauche, jusqu’à sa destruction par le gel. François m’accompagna (c’était son tour) au marché de Pujols et il avait du mérite car la veille nous avions préparé, organisé, puis animé la fête annuelle de Villebramar qu’un orage vespéral avait manqué de ruiner, nous obligeant à déplacer en catastrophe, sous des trombes d’eau, le fameux cochon à la broche. François servit les assiettes avec une implication totale, et en prêtant notre WWOOFeur à la communauté, on en fît un nouvel habitant du village.
Le soir même, nous accueillîmes un contributeur VIP de notre campagne de financement participatif de 2018, accessoirement WWOOFeur, en la personne de Guillaume. En route vers une carrière de maraîcher, avec lui aussi une expérience en charpente chez les compagnons, Guillaume fût sans doute un peu déçu par notre emploi du temps qui incluait presque davantage de rénovation que de jardinage. En une petite semaine de présence, il eut cependant l’occasion d’exceller au marché bio de Villeneuve-sur-Lot, sans doute avantagé par son passé commercial, en tenant l’étal d’une main de maître. Quand même, il va de soi que Guillaume m’aida aux récoltes, et je lui confiais le palissage des aubergines et de poivrons.
Je l’emmenais ensuite à une visite organisée par l‘ADEAR de la propriété de Carina Rijshouwer, horticultrice, sur le thème des pratiques agricole dans le contexte du réchauffement climatique. L’occasion de nous mélanger à mes semblables, maraîchers nouvellement installés. Et notre WWOOFeur, futur agriculteur, d’aller à la pêche aux infos… avant de se remettre au bricolage des barriques données par le voisin Yves, qu’il fallait consolider, et de terminer la structure en liteaux du futur terre-paille. En récompense, on profita d’un gueuleton et du concert sur le marché des producteurs de Villeréal, où le copain Nico, de Saint-Eutrope-de-Born, désormais complètement paysan-boulanger écoulait toutes ses miches mais avait les traits tirés du gars qui se lève au milieu de la nuit pour cuire le bon pain.
Le mois de juillet, et son cortège de journées caniculaires pendant lesquelle rien, hormis une demi-somnolence devant le Tour de France (et un jet de flotte sur les laitues, au zénith), ne paraissait envisageable, s’achevait. Nous reçûmes une visite studieuse de Corinne et Franck, parisiens habitués des vacances à Villebramar, désireux de participer à la vie des champs. Je confiais des outils de désherbage au couple, et la ferme se transformait en camp de travail. Les rangs de poireaux et de laitues furent nettoyés et ressemblèrent à une table de billard. Pas rancuniers, Corinne et Franck insistèrent pour payer le beau panier de légumes que je leur avais préparé, ainsi qu’un massage réparateur de Laëtitia.
Le premier week-end d’août arriva et annonça un nouveau chassé-croisé des vacances avec le départ de Guillaume vers un autre WWOOFing dans les Pyrénées d’un côté, l’arrivée de la Fred, du Cé et de leurs enfants de l’autre, puis de la copine Oana qui venait clore son année sabbatique sous forme de tour du monde, commencée un an plus tôt exactement, à la ferme de Videau. Débarquèrent aussi Maude et Rachel, venues de Nantes, et de notre nouvelle WWOOFeuse du mois: Alexandra, de Périgueux. D’entrée, on répartit les tâches: taille et repiquage de stolons de fraisiers pour les unes, taille des feuilles de tomates sous abri pour les autres. La structure bois terminée et l’électricité bien avancée, on pouvait maintenant attaquer le chantier terre-paille à l’étage, et tout le monde fut engagé. C’était parti pour un bon bout de temps.
Vincent arriva en fin de semaine, le 8 août. Étudiant en BPREA maraîchage bio, une formation pour adultes, il devait accomplir ici son «stage découverte» de deux semaines, suite à un premier stage de deux mois chez un maraîcher de Nancy. Pour le changer des légumes, on l’envoya à l’étage pour compléter l’équipe terre-paille. Mais je mettais également sa masse musculaire à contribution en le réquisitionnant pour l’épandage d’une dizaine de brouettes de fumier sur deux anciennes planches de salades. On passa la grelinette, on attendit la pluie. Recouverte de foin et d’une bâche occultante, la vie du sol allait pouvoir s’en donner à cœur joie pendant plus de 6 mois, et j’espérais profiter d’une belle terre de jardin à cet emplacement au printemps prochain. Le rythme des massages avait ralenti pour Laëtitia. Moins de demande, et pas de démarchage: blondinette avait maintenant dépassé les deux mois de grossesse et voulait ménager son énergie pour les chantiers de la ferme.
Samedi soir, elle m’accompagna pourtant au golf de Tombebœuf, car nous filions un coup de main à Sam et Michael, les propriétaires, en jouant les extras à l’occasion d’un concert de clôture d’une compétition. Je rôtissais plusieurs dizaines de brochettes de bœuf pendant que Laëtitia faisait la navette en cuisine. D’une certaine façon, ça nous sortait de la routine et nos hôtes, stagiaires et WWOOFeurs, profitèrent d’un break sous les lampions. Le lendemain, il fallut pourtant se lever tôt pour le marché de Pujols, et en être bien mal récompensé par la météo: saucés au déchargement, essuyant des rafales de vent froid, Alexandra et moi-même grelottâmes dans nos chaussures mouillées jusqu’à 13h. Je constatais à quel point nous étions jusque-là passés entre les gouttes. J’avais pris l’habitude d’aller au marché comme à la plage, ou presque. L’automne à venir promettait moins de bains de foule, mais beaucoup plus de bains de pieds! Là encore, faudrait voir à mieux isoler.