Du 15 au 28 avril 2019
Si on se flatte ici régulièrement d’accomplir des progrès, c’est pour les garder en mémoire. Mais on aurait tort d’occulter les accidents de parcours. Souvent, on s’étale. Et ces deux dernières semaines ont été riches en plantades. À commencer par la situation préoccupante des melons et courgettes, plantés sous tunnels de culture selon une méthode éprouvée, apprise chez mes précédents employeurs: un bon arrosage au départ, puis le goutte-à-goutte ensuite. Hélas, la teneur élevée en argile de nos coteaux du Lot-et-Garonne est une difficulté que nous avons déjà approuvée par le passé et que seule la longue expérience de plusieurs saisons de maraîchage et ses déboires pourra permettre de surmonter. En l’occurrence, il eut été judicieux de surveiller la motte de terreau entourant le jeune plant qui ne cessa de se dessécher faute d’un arrosage ciblé. J’empoignais le tuyau d’arrosage avec une douchette au bout, et tentait de sauver ce qui pouvait l’être en mouillant régulièrement chaque plant. Finalement, je remplaçais près de la moitié des courgettes rabougries par de nouveaux plants issus de pépinière.
De la graine aux pépins
J’étais plus fataliste devant le spectacle d’un bon tiers de melons décapités, que l’anti-limace ne suffisait pas à protéger d’une attaque d’envergure. Je constatais les dégâts, la boule au ventre. Il fallait pourtant garder la tête froide devant les pépins, et se projeter dans l’avenir en songeant déjà aux prochaines plantations. Nouveau semis de laitue, car le précédent avait un peu trop séjourné dans l’entrée de la maison et les plantules avaient filé, c’est à dire que la tige s’étant allongée à la recherche de lumière, ces salades n’avaient plus une seule chance de se développer normalement. Hélas, je flinguais aussi ce nouveau semis en l’oubliant sous son plastique de protection, qu’en temps normal on retire au soleil pour éviter la surchauffe. Un semis de courges, effectué en famille, ne tint pas non plus ses promesses. L’amplitude entre le jour et la nuit (encore fraîche en avril, même sous abri) avait été encaissée de manière inégale. Vingt sur vingt pour le potimarron Green Hokkaido, mais zéro pointé pour la courge spaghetti. Peut-être un problème de germination? Le semencier, conciliant, promit de me renvoyer des graines gratuitement. Quoiqu’il en soit, je souhaitais vivement la réalisation d’une serre à semis digne de ce nom.
Semis pros
On réussissait tout de même une belle série dans ce mois d’avril riche en événements horticoles: plantation de poivrons et de courgettes sous abri, installation de ficelles pour le palissage des tomates dont les première fleurs pointaient. Semis de haricots verts «mécaniques» Calypso et gros blancs de Soissons, comme un pro. Plantation de blettes. J’empruntais son semoir Ebra à l’ami Damien de Coulx (producteur de semence pour le Biau Germe) mais c’est finalement à la main que je composais des lignes de radis, en guise de paillage, au milieu d’une plantation de laitues. Je comptais renouveler l’expérience tous les 15 jours, manière d’échelonner un arrivage frais de l’un et de l’autre légume. Le même Damien nous rendit visite et commenta fort savamment les dernières évolutions. On devisa engrais vert, on relativisa la situation de la luzerne pas si moche, et l’effrayant sorgho d’Alep s’avéra être… une repousse de vieux blé. Je me targuais d’avoir presque fini d’installer l’irrigation à l’extérieur. Planches de courges et d’oignons étaient prêtes à recevoir leurs locataires. Enfin, j’avais hérité de plants de piments d’Espelette par mon voisin, mais les habaneros (bien plus forts) commandés en pépinière tardaient toujours à cause d’un premier semis raté. Pas ma faute, cette fois!
Fan des musclés
Suite à une deuxième session d’une formation de pratique énergétique à Toulouse (dont elle me ramena une balance et un parasol de marché d’occaze), Laëtitia dut à nouveau découcher pour une dantesque opération bien-être à la ferme de Lou Cornal, collectif de paysans éleveurs. Soumis à rude épreuve par de nombreux vélages et un quotidien harassant, les organismes de cette troupe nombreuse furent soulagés par la présence rémunérée, en plus du gîte et du couvert, de la masseuse. Spécialiste des musclés et fan de charcuterie, Laëtitia goûta fort bien la bonne ambiance, mais revint en piteux état: s’employer à évacuer la tension de 11 personnes (en deux jours) n’est pas un travail de tout repos. Je m’employais moi-même à réaliser le coffrage d’une future dalle béton sous les cuves de récupération d’eau (attention, près d’1 tonne au mètre carré), avec l’aide de notre voisine Mag et sa scie circulaire pour la coupe des planches. Je vaquais à mes occupations au jardin. Seul aux commandes, je ne lambinais pas. Mais si blondinette m’avait laissé tomber comme une vieille asperge, je ne manquais pas de fêter nos retrouvailles avec un dessert aux fraises de chez le voisin Garonnais, après un risotto… aux pointes d’asperges.
À coup de bottes de radis
Le lendemain, Laëtitia honorait un massage prévu de longue date chez Sandie, et cette dernière me rappela que le nécessaire éclaircissage des radis semence qui était leur lot pouvait me permettre de constituer quelques belles bottes. Je passais un coup de fil au golf de Tombebœuf où je voulais installer mon étalage, prenais quelques dispositions, et fonçais faire ma toute première récolte de radis bio. Une fois le butin réuni, on me reçut à la table familiale des propriétaires, et dans cette chaleureuse ambiance paysanne je dégustais ce qui me parut être le meilleur confit de canard de toute mon existence. Le jour suivant, je posais fièrement au regard des automobilistes, moins pour écouler mon stock que pour mener une opération de com’. Malgré la faible fréquentation, soutenu par les proprios du golf, je remettais le couvert le samedi suivant avec quelques poireaux en plus, issus de chez Sandie et Damien. Qui sait lequel, du flashy des panneaux à la bombe estampillés «producteur local», ou de la pitié inspirée par mon parasol solitaire sous une pluie battante, produisit le plus d’effet? Les clients, un peu plus nombreux que la fois précédente, déboulèrent de nulle part et entendirent à coup sûr le message: on pourrait compter sur moi cette saison, et pas qu’avec des bottes de radis.
Dans le gaz, con!
Pour finir, nous retiendrons ce presque fait divers qui toucha le voisin Yves, quand un boîtier électrique prit feu sous les yeux de ses enfants, heureusement présents ce jour-là pour rénover l’isolant dans des combles habituellement inoccupés. Un miracle, en quelque sorte. Moins chanceux, ce blaireau retrouvé raide sur le bord de la route, que j’eus le bizarre réflexe de charger dans le fourgon avant de lui offrir une sépulture dans un coin du jardin, creusant pour l’occasion un trou bien plus grand que ceux habituellement nécessaires aux cadavres de taupes et de loirs laissés par les chats. Ainsi s’écrit la dure loi de la campagne, qui scelle la vie des bêtes en un claquement de griffe ou de pare-choc. Plus gai, la visite de Marie-Anne depuis Toulouse nous donna l’occasion de faire encore découvrir notre domaine, d’être plus nombreux à la table bien garnie de nos voisins, et de participer à l’opération «De ferme en ferme» avec une halte dégustation à la brasserie Natural Mystik et le vignoble de la famille Bielle à Bazens. Toujours la dure loi de la campagne, qui résout généralement une fin de semaine dans le gaz en un claquement de convivialité gasconne.