Superproduction

Super-production - Ferme de Videau

Du 3 au 16 juin 2019

Après les fèves, la semaine débuta par un super épisode de surproduction: j’avais eu la main leste en semant le basilic, et sans doute surestimé le pouvoir de séduction de ces pourtant si mignons et odorants petits buissons verts dans leur pot, prêts à planter, que je n’arrivais pas à écouler. Je décidais de broyer le tout, en y ajoutant la tome de vache bio de la ferme des Angiroux à Monbahus, pour un pesto maison qui aurait plus de succès. Mais, faute de temps et parce que mon contrat de certification Ecocert ne portait pas encore sur les produits transformés, je renonçais. Les essais de recettes allèrent dans un plat de pâtes, le reste des plants finiraient tôt ou tard au congélateur. D’un autre côté, une saison favorable faisant crouler le pays sous les cerises, je n’arrivais pas davantage à vendre les délicates barquettes de bigarreaux que nous préparions les veilles de marché, au prix de quelques acrobaties et d’un laborieux tri des fruits abîmés. Il aurait fallu expédier à Bordeaux, mais nous n’avions qu’un arbre et une devise «petit et local» contraire à cette idée. Les vers et les oiseaux se régalèrent donc bien plus que nous.

Plants de basilic - Ferme de Videau
Plants de basilic : superproduction… ou surproduction?

Après les cerises, à nouveau les fèves, dont on soldait le compte de la culture avec une dernière grosse récolte avant arrachage de 145kg. Mardi, j’en avais opportunément livré 4kg à l’excellent restaurant La Tête d’Ail de Cancon, et je me réjouissais de cette pourtant maigre collaboration, mais qui en annonçait peut-être d’autres. Je creusais quelques pistes pour écouler le stock restant mais les magasins bio rechignaient faute de demande et les grossistes que je contactais trop tard n’en voulaient plus le lendemain. On congèlerait donc aussi, pour notre consommation personnelle, ce qui ne partirait pas dans la semaine. Car au marché bio de Villeneuve-sur-Lot, comme au golf de Tombebœuf, j’avais tout de même quelques amateurs inconditionnels de cette légumineuse. En attendant, j’avais d’autres chats à fouetter: plantation d’une énième série de melons, couverts d’un filet contre les oiseaux qui les protégea enfin efficacement d’un péril mortel, nouvelle plantation de courges (bleues de Hongrie), de poivrons et d’une partie du basilic que je vendrais dorénavant en botte.

Laëtitia consacra une bonne partie de son temps à la paperasse, au démarchage de son activité, au recrutement de nos futurs WWOOFeurs pour l’été et à l’organisation d’une petite fête en juillet. En prévision de cet événement, on réquisitionnait les anciennes barriques à vin du voisin Yves, des bordelaises de 225 litres chacune. Il fallut d’abord arroser généreusement le bois des barriques pour qu’il se dilate et face pression sur le cerclage. On humidifierait trois fois par semaine, jusqu’au jour J, et grâce au prêt d’un Kärcher équipé de kit sablage, on allait tenter de redonner une seconde jeunesse à ces tonneaux qui serviraient de mange-debout et de piliers de bar. Notre amie Claudette, de Feugarolles, résolvait le problème des couverts en nous confiant des piles de vaisselle. En outre, Laëtitia prodigua 6 massages dans la semaine, dont un sur réservation de dernière minute, pour remplacer au pied levé dans un gîte de Seyches une pro pas si pro, puisqu’elle avait planté son rendez-vous. Cette urgence se transformait en opportunité et la blondinette masseuse de Videau de tisser un nouveau fil sur son réseau.

Cerises - Ferme de Videau
C’est toujours ça que les oiseaux n’auront pas.

Inauguré par la fête à Coulx, le cycle des réjouissances qui annonçait l’été en prolongeant les soirées continua avec le tournoi de tennis de Tombebœuf, prétexte aux non-initiés de ce sport pour un soirée buvette-repas quotidienne pendant la semaine que dure l’événement. On y passa le mercredi soir. Et puis, quel pot! L’ami Sandie, passée me rendre visite au marché bio de Villeneuve-sur-Lot, proposa un ciné-club de plein air avec les copains où l’on fit un barbecue, où l’on devisa bière artisanale, agriculture et foot féminin, et qui fut parfaitement réussi si le film que j’eus l’honneur de choisir, un Woody Allen un peu longuet, n’avait endormi l’auditoire. Peu importe, l’occasion était trop belle de nous mêler à nos semblables (et de faire filer les cerises dans un gâteau), d’autant que malgré l’intervention du technicien de chez Orange pour le remplacement du vieux fil de téléphone par un plus moderne et le camouflage de celui-ci au jardin dans une gaine enterrée, nous étions à nouveau privés d’Internet!

Le temps de butter (pour la deuxième fois) les patates, tailler les tomates, semer courgettes et concombres d’extérieur, et rempoter quelques plantes d’ornement, et lundi on remettait ça pour les 10 ans de la ferme de Lou Cornal où, d’une part, Laëtitia proposait ses massages Amma assis et où, compte tenu de la sympathie que nous avons pour les membres de cette équipe, il était impossible que je ne me rende pas malgré une bonne heure de route de distance. Mais quelle récompense! Poulet bio abattu et rôti sur place, frites maison et ambiance champêtre sous la guinguette. Je repartais sans Laëtitia, car elle avait été embauchée pour masser les organisateurs les jours suivants. À son retour, Internet était à nouveau opérationnel, puis Sabine et Gildas nous soufflèrent de suivre un match des bleues contre la Norvège, autour de pizzas, ce que nous fîmes à la maison. Des faux airs de relâchement, alors que le rythme des récoltes et des horaires de vente n’était pas tout à fait rôdé, que les massages allaient bon train, que j’avais deux créations de site web en attente et que l’organisation de notre propre petite fête épiçait le planning.

Laëtitia massage Amma assis - Ferme de Videau
Les massages vont bon train

Enfin fini d’arracher les fèves, je taillais à nouveau tomates, concombres et aubergines, je pulvérisais pour la 3ème fois une décoction de prêle des champs contre les maladies cryptogamique (le mildiou, notamment) car le temps était changeant, parfois trop frais et trop pluvieux pour un mois de juin, surtout du point de vue des tomates de plein champ. Je préparais des poteaux à partir de branches d’acacias, lesquels iraient dans la construction d’une douche d’été, ainsi que du matériel d’irrigation pour la relier à nos cuves d’eau. Laëtitia revint d’un rendez-vous avec une «concierge d’entreprise» qui s’engageait à démarcher pour elle, puis filait pour le week-end à un salon de bien-être à Pujols, qu’au premier coup d’œil elle identifia comme un traquenard pour lequel aucune publicité n’avait été faite. Je lui conseillais de prendre un bouquin. De mon côté, je fêtais mon premier panier de légumes à retirer à la ferme, composé des tout premiers concombres, de courgettes, salades, blettes, fèves et un chou pointu. D’autres locaux semblaient motivés. Je collectais des adresses emails, je pensais marketing, ajustement de l’offre. Agriculture digitale. Je passais de la surproduction… à la superproduction.

2 Replies

  • Je n’ai pas tout lu, mais j’ai adoré le ton, les détaillés informatifs. Mais quelle vie de patachon ! ! Je suis vraiment heureuse pour vous deux, vous le méritez. J’étais inquiète au départ, mais comme j’avais tort et en plus, vous avez un bon réseaux de copains. J’ai bavé d’être à Paris, car les cerises et les légumes. Vous ne pouvez pas envoyer ? Je suis sérieuse. J’achète beaucoup loin de Paris. Bon c’est moins fragile, mais vous pouvez réfléchir. Je vous embrasse toi et Pierre

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