Du 24 décembre 2018 au 13 janvier 2019
Il faut d’abord que je m’excuse auprès de chacun de nos lecteurs les plus fidèles pour cette entorse exceptionnelle à la précision hebdomadaire habituelle de cette chronique. Laëtitia et moi-même ne sommes pas insensibles à la trêve des confiseurs, et ne dédaignons pas non plus de rendre visite à la famille, éloignée depuis que nous avons choisi de nous installer dans le Sud-Ouest. Notre quotidien a donc été considérablement chamboulé par plusieurs déplacements, et c’est en pointillés que nous avons accompli les travaux en cours, surtout leur planification. Forcément, nous avons mis en veilleuse le récit de la vie à la ferme, mais voici quand même un résumé de ces 3 dernières semaines.
Exportation
Le 24 décembre, pour prouver notre bonne intégration, nous exportâmes d’excellents rouges de la cave de Beaupuy près de Marmande, un blanc moelleux de Chateau Larchère à Monbazillac et un foie gras fermier de Bourgougnague dans le Lot-et-Garonne, pour le réveillon de Noël à Poitiers. Les jours suivants, je naviguais entre un guide variétal légumes édité par la FNAB, le dernier catalogue du Biau Germe, le «Manuel d’agriculture biologique sur petite surface» de Jean-Martin Fortier et le support de cours d’une formation en planification pour préciser ma commande de plants potagers issus de pépinière, entamée la semaine précédente. Quelle densité? Quelles dates de plantation? J’allais pouvoir demander quelques devis. Juste à côté, Laëtitia potassait ses cours de massage Amma assis.
Convoyage
Le 27 décembre, retour à la ferme. Nous attendions la visite de Delphine, Andreas et leur petit bout. Pour les parisiens, on força l’alimentation du poêle, y compris au milieu de la nuit, parce que ça pelait, et on mis les chats dehors. En faisant frissonner les frileux, en chatouillant les allergiques, ce séjour rustique tenait un peu trop ses promesses! Le bébé prît son premier bain devant un feu de bois, dans une bassine tout juste assez grande pour lui. Et fît connaissance avec tout un bestiaire dans le voisinage: les vaches blondes d’Aquitaine de Pépito, les chèvres, chevaux et poules de Mag et Marianne. On faisait complètement relâche, sauf en cuisine où mijotèrent un poulet farci, une terrine de légumes et une panna cotta kiwi-physalis pour le réveillon. Nos invités avaient convoyé du Cognac. On digéra jusqu’en 2019.
Trafic d’influence
Le 3 janvier, on décollait pour le Sud-Est. Juste après avoir enregistré un petit film en guise de message de bonne année pour nos soutiens à la campagne de financement participatif. À 15 jours du terme, celle-ci s’épanouissait en direction du deuxième palier à 10000€. On était optimistes. Les messages d’encouragement que nous recevions étaient de puissants aiguillons. Mais il fallait faire connaître notre démarche au delà du cercle des amis et de la famille. Nous relaçâmes donc divers organismes, assos et collectivités, ainsi que la presse. Laëtitia répondit par téléphone aux questions de Radio 4 (qui nous traite comme des parisiens), je donnais une interview au Mag Farmitoo (qui nous voit comme des jardiniers du dimanche). L’hebdo Le Républicain publia un bel article à notre sujet. Pas sûr que cette influence nouvelle se transformerait en donations, mais la réputation de la ferme de Videau, bonne ou mauvaise, était certainement en marche!
Prohibition
J’aidais mes parents à soutirer dans leur garage un petit vin bio, issu d’une partie de la récolte de leur voisin vigneron. C’était une récompense pour leur participation aux vendanges, tout ce qu’il y a de plus illégal. On prenait ensuite de l’altitude chez Tam et Greg Pernix, producteurs de plantes aromatiques et médicinales en biodynamie, dont les eaux florales et les bougies d’oreille constituent une des contreparties au don du financement participatif. Je bravais le froid sec des contreforts du Ventoux pour creuser dans le tas pétrifié de fumier de mouton et en ramener quelques brouettes à destination du jardin paternel. Comme d’habitude, on était gâtés côté cadeaux: gelée de pétales de rose de Damas, abricots au jus de la Drôme, huile d’olive du Vaucluse. Cette fois, on allait faire dans l’importation. Quant à l’épaule d’agneau, on la mangeait sur place.
Main basse
Et puis on reprenait la route vers l’Ouest. Un tuyau nous amena dans une pépinière à l’abandon du côté d’Avignon. On fît discrètement main basse sur de la bâche tissée d’occasion, du filet anti-insecte, des barres de culture et des tuteurs en acier. Puis nous fîmes halte dans les Cévennes, où un Bernard sur le point de déménager d’un ancien presbytère soldait son jardin. Nous embarquâmes ainsi quelques pieds de groseillier, de myrtilliers, de fushsias et d’hortensias. À Cahors enfin, nous retrouvions nos vieux amis Aline et Florent, qui font pousser leurs projets respectifs depuis quelques années: sculptures et bijoux pour elle, brasserie artisanale pour lui. Il y a deux ans, ils nous hébergeaient déjà entre deux visites de propriété à vendre dans le Sud-Ouest. Notre petit périple, avant le retour définitif dans une maison congelée que deux jours de chauffage suffiraient tout juste à ranimer, s’achevait donc sur un pèlerinage. Et un lot de 24 bouteilles de bière!