Du 29 avril au 19 mai 2019
Depuis le dernier épisode, le calendrier s’est emballé. À cause du rythme de travail au jardin, votre serviteur n’a pu suivre la cadence imposée par ce blog. Cependant, nous avons consciencieusement tenu notre carnet de bord quotidien et rien de ce qui s’est produit ces trois dernières semaines ne vous sera épargné, dussé-je pratiquer le style télégraphique.
À minuit, les nuisibles
En filigrane de ce nouveau chapitre de la vie à la ferme, il faut se figurer la régularité des attaques menées contre les occupants du tunnel n°4, celui des concombres et melons, dévorés les uns après les autres. Renseignements pris auprès de nos voisins et sur Internet, nous avons tenté diverses parades: les piments séchés déplairaient aux mulots, la cendre repousserait les limaces, le tourteau de ricin éloignerait la larve du taupin, une boîte de conserve enterrée piégerait les courtilières… Phosphate de fer, appâts et tapettes à souris complétèrent l’arsenal. J’effectuais même une ronde à la lueur de la lampe torche sur les coups de minuit. Mais à défaut d’identifier un seul de ces nuisibles, je les rencontrais tous! Car chaque espèce mordit à l’hameçon, tôt ou tard. Les attaques diminuèrent, puis reprirent avec la plantation d’une nouvelle série de melons à l’emplacement de la défunte série précédente. On renouvelait et multipliait les pièges et, se demandant quelle divinité nous avions pu à ce point froisser, on croisait les doigts.
Pause travaux
Côté bébêtes, encore, on recevait la visite d’un expert en insecte xylophages. L’isolation en laine de bois à l’étage allait recevoir un parement en plaque de plâtre mais d’inquiétants bruits de mastication ayant rendu notre sommeil léger, nous avions besoin d’être éclairés sur la nécessité de traiter la charpente contre cet autre type de sauvagine avant les travaux qui rendraient l’opération impossible. Diagnostic: pas de danger véritable pour la «résistance mécanique» du bois, mais une infestation de vrillettes et capricornes bien réelle, à laquelle on nous conseilla de remédier en badigeonnant la partie visible des poutres, pannes et autres chevrons. L’isolation pouvait donc rester en place, ouf! Le même jour, on reformait avec blondinette notre équipe de choc dédiée aux travaux de maçonnerie, en guise de pause dans ceux du jardin. Dans la matinée, on coulait une modeste mais épaisse dalle béton, sur laquelle reposeraient 4 cuves de récupération d’eau de pluie.
Larrons en foire
La semaine précédente, une acheteuse de mes bottes de radis devant le golf de Tombebœuf m’avait appris que se tiendrait une foire aux plantes et un vide-grenier dans la même commune, et me conseillait de m’y greffer. Il fallût confectionner une enseigne de fortune, améliorer mon étal, et surtout me procurer quelques légumes supplémentaires car mes propres récoltes tardaient encore! Comme de coutume, le voisin Garonnais me sauva en me permettant de disposer de ses magnifiques carottes, et je retournais chez Sandie et Damien pour quelques poireaux et oignons. Nous nous trouvions donc fort occupés, à préparer cet événement pour le week-end en plus d’un autre événement annoncé: la venue de mes cousins et leurs compagnes respectives depuis leur lointaine contrée, lesquels animèrent ces deux jours passés ensemble, dispensant la bonne chère, bien sûr, et me rendant visite le dimanche à mon étal de Tombebœuf, où je distribuais peu de flyers annonçant ma présence au golf tous les samedis, mais où je vendais tout mon stock.
Du purin pour rien
Les cousins repartis, le week-end fini, on confiait le fourgon et son pneu crevé au garage du coin. Ce bahut constituait évidemment le nerf de la guerre et devait rester opérationnel en toute circonstance. Cantonné au jardin, j’en profitais pour suivre le planning: plantation de pommes de terre, tant espérée mais contrariée par la pluie. Les plants de patate avaient donc eu tout loisir de germer à la maison. Plantation d’oignons de conservation, plus quelques oignons de Trébons qu’un couple de maraîchers de Fongrave m’avait procuré mais dont les graines avaient extrêmement mal levé. Début de la taille et du palissage des tomates, et des haricots à rames sur des tuteurs en bambou. L’amie Sandie me confiait gracieusement un bidon de son impeccable purin d’ortie que je pulvérisais peu après, dilué à 10%, sur la plupart des cultures en engrais foliaire.
Aboule la friche
On arrosait, on débroussaillait. Je décidais de la destruction du mélange vesce-avoine semé à l’automne 2018 et dont l’impressionnant volume cachait presque le puits devant la maison. Laëtitia se chargea de piétiner à l’aide d’une planche toute cette biomasse. Je pariais sur un quadruple bénéfice: fixation dans le sol de l’azote de l’air grâce à la vesce; étouffement des autres espèces (ortie, potentille et autres «mauvaises herbes»); travail du sol grâce aux racines nombreuses de l’avoine; paillage du sol après destruction. Manière de ne pas laisser en friche cet emplacement qui deviendrait un jour jardin d’aromatiques. Il y eu d’autres plantations à l’extérieur avec Laëtitia, car si la météo n’était pas toujours épatante l’hiver était définitivement un lointain souvenir: courges sur bâche tissée et tomates (plus quelques godétias roses, tagètes, cosmos et phacélie) avec un paillage inespéré offert par le fauchage au gyrobroyeur du voisin Yves dans notre pré de luzerne envahi d’indésirables.
Néons ruraux
On traversait un pic d’activité au jardin, et ce besoin en main d’œuvre pesait sur les projets de Laëtitia. En dehors de quelques massages et des tâches quotidiennes, elle avait un mal fou à se ménager du temps pour accomplir ses démarches de relance auprès des entreprises, gîtes et événements bien-être… Pour moi aussi, difficile aussi de troquer les habits de jardinier contre une tenue de ville. Je m’échappais quand même pour Port-Sainte-Marie où j’investissais dans du matériel de marché et de récolte digne de ce nom: tables en aluminium, sachets, étiquettes, paniers et brouette de récolte. Je réalisais un petit boulot de graphisme. Le week-end du 11 mai, nous nous rendîmes à Poitiers pour les 60 ans de belle-maman, l’occasion de nous extraire de ce remuant quotidien pour un chaleureux sommet familial d’une vaisselle d’exception, d’un gâteau inoubliable et d’un soleil opportun, au moins pour le café. La journée s’acheva par une sortie au bowling, grand moment d’exotisme sous les néons pour les ruraux que nous sommes devenus.
Pneus bio
Et puis, ça redémarrait sur les chapeaux de roue. Celles du fourgon, dont le pneu crevé mais réparé se révéla être toujours aussi crevé, renvoyant l’engin au garage car se profilait un double événement d’importance: la première récolte de fèves, en vue du premier jour de marché à Villeneuve-sur-Lot! De l’épais buisson de légumineuses, je tirais environ 35kg de gousses, seule production du moment que j’exhibais cependant fièrement sous la halle du marché bio de notre sous-préfecture, et dont je vendais près des trois-quarts. Au retour, j’étais contraint de mettre la roue de secours, car le pneu crevé, réparé deux fois, était à nouveau plat. On allait devoir investir dans la gomme, ce qui n’arrangeait pas notre budget. Laëtitia s’en fut à Toulouse pour la troisième partie de sa formation énergétique pendant qu’un entrepreneur taillait à coup de pelleteuse un nouveau chemin dans le jardin, et dans notre budget qui s’arrangeait encore moins. Je semais des haricots, j’en binais d’autres, je réparais le réseau de goutte-à-goutte, et palissais le houblon et les concombres.
La fève au village
Le samedi suivant sur le parking du golf de Tombebœuf, faute de salades qui étaient encore trop petites mais avec en plus quelques bottes de radis tous frais, je m’enflammais en retentant le coup des fèves. Avec beaucoup moins de succès. La rencontre avec les locaux s’avérait plus difficile qu’avec les Villeneuvois, en tous cas sur le bord de la route. Car le soir venu à la fête de Coulx, première de l’année dans une longue liste d’animations de village, notre intégration ne faisait plus aucun doute, tant nous croisâmes des visages connus et fîmes table commune avec de nombreux amis. C’était un bienvenu chahut de circonstance, une bonne fièvre du samedi soir, qui me fait donc, encore une fois, boucler cette chronique et ses déboires par un moment de bonheur et de convivialité. Le Sud-Ouest, ça vous dit quelque chose?