Et ça continue, encore et encore…

WWOOFeur à la guitare - Ferme de Videau

Du 1er janvier au 31 mars

Depuis la dernière chronique, quelques semaines de vacances se sont écoulées. Une vraie grosse coupure, ça veut dire ne pas mettre le pied au jardin, ne pas se rendre au marché, ne prendre aucun rendez-vous d’aucune sorte, laisser tous les chantiers en plan. Objectif: se métamorphoser en moule de bouchot. La reprise sera détendue ou ne sera pas. Mais passées les deux semaines réglementaires en famille, loin de la ferme, il faut se replonger dans les petits tracas du quotidien. La grosse coupure se mue en vacances utiles… car on a une salle de bains et une chambre à finir! À part ça, même programme qu’il y a un an: la saison qui redémarre avec un confinement. Ça continue, encore et encore.

En Provence, on a pu mettre les pieds sous la table, se laisser dorloter. Mais la petite Anaïs ne l’entendait pas de cette oreille, et ce bonheur en tranche fut émietté par quelques nuits sans sommeil. En prime, je chopais les crève et d’autres infections hivernales. La preuve que même sans coronavirus, on peut réussir sa chute de pression annuelle. À notre retour, le 12 janvier, on découvre que le mercure est descendu jusqu’à -7°C. Dans la baraque, il fait 5°C. On bourre le poêle. Si Anaïs n’avait pas été inflammable, on l’aurait posée dessus pour la réchauffer. Je frémis en me rappelant que j’ai oublié de vidanger la pompe d’irrigation avant notre départ. Heureusement, pas de casse.

Travaux salle de bains - Ferme de Videau
Il manque un truc, non?

Les travaux de la salle de bain reprennent. On achève la cloison entre les deux chambres, je finis de passer les gaines électriques. On enduit, on ponce, on peint avec une laque couleur vert d’eau 100% naturelle. Il faut dénicher un robinet et un lavabo neufs, puisque les occasions ne nous disent rien qui vaille. J’attaque le tablier de la baignoire, constitué de lames de lambris sur une structure en lambourdes, et le meuble du lavabo. Du sur-mesure, mieux que chez Lapeyre, et moins cher. On fait venir un plombier parce qu’on est des billes, et on a bien fait: c’est un peu plus sorcier que prévu. Comme ça, pas de risque de fuites. On est à l’étage, hein, et l’entresol rempli de ouate de cellulose est tout sauf étanche!

Laëtitia rencontre Marion, laquelle est sur le point d’ouvrir une maison du bien-être à Pinel-Hauterive (47). La chose est entendue: une journée de massages en location par semaine, toute l’année. On convient de faire des photos, des vidéos, un flyer, etc. Le même jour, Laëtitia se rend à Eymet (24) pour un massage. Et pendant ce temps, Anaïs fait sa rentrée à la crèche, et tout s’y passe à merveille. C’est tout le contraire à la maison, où les journées sont difficiles et les nuits encore pires. Mais on est pas rancuniers contre les gosses en général puisque on en invite sept de plus (avec leurs parents) pour la raclette du dimanche. Pas très légal, par les temps qui courent.

Étal au marché de Pujols en février - Ferme de Videau
Retour au marché de Pujols

La première semaine de février, il pleut des seaux. La Garonne monte à plus de 10m, et fait la une des informations. Notre petite exploitation de coteaux ne craint pas l’inondation, mais n’est plus qu’un champ de boue. On avait dit qu’on aurait terminé le chantier à l’étage avant la reprise de la saison de maraîchage, c’est raté. Je repousse quand même mon retour au marché bio de Villeneuve-sur-Lot d’une semaine et dans une dernière ligne droite on peut se consacrer aux finitions de la salle de bains: lambris, dernières couches de peinture et de vitrificateur (écologiques), joints silicones. C’est beau! Le dimanche, je me remets dans le bain au marché de Pujols.

Lundi 8 février, c’est le retour d’Aurore, notre stagiaire en BPREA. Pendant que Laëtitia et moi on boucle le chantier de l’étage, elle se tape le sale boulot: désherbage (des fraises, des bords de serre), nettoyage des tunnels (notamment choux pointus qui ont pourri pendant l’hiver). Aurore m’accompagne au marché, puis on démarre le montage d’une petite pépinière. Il faut installer des amarres dans le sol, acheminer des arceaux depuis le bas du terrain. À cause du vent, je repousse la pose de la bâche… Alors on plante les pommes de terre primeur sous tunnel et les patates douces dans du terreau. Dans un bon mois, je pourrai bouturer ces dernières en godet. La pépinière sera vite amortie!

Après passage de rotavator précédent sorgho - Ferme de Videau
Avant la plantation de patates primeur

Vacances scolaires oblige, Anaïs est à la maison. Et c’est pas de la tarte. Mademoiselle boude tout ce qu’on lui offre à manger, et chaque cuillerée de yaourt doit être savamment négociée. La nuit, c’est la fête à toute heure. Laëtitia commence à craquer pour de bon. Dehors, le vent d’autan ne faiblit pas. Chaud et turbulent, il sèche tout sur son passage. D’un extrême à l’autre: les précipitations d’il y a deux semaines ne sont plus qu’un souvenir. L’argile, de l’état de boue, évolue directement à celui du béton. Le week-end, enfin, arrive l’accalmie. Ainsi que mon cousin David, accompagné de Fanny, pour quelques jours. Ouf, on va pouvoir se changer les idées.

Le 22 février, David m’aide à remettre en place la bâche des tunnels des fraises, que le vent a emporté. Laëtitia partage son temps entre les courses (graines chez un collègue, matériel agricole…), la dépose de flyers et les massages. Fanny fait la cuisine. Toujours avec David, on installe une première, puis une deuxième couche de plastique pour couvrir la nouvelle pépinière. Cette double paroi représente un gain d’effet de serre. À défaut de véritable chauffage dans l’abri, une telle technique devrait permettre de gagner quelques degrés supplémentaires. En cas de températures nocturnes négatives, je disposerai des voiles de forçage et autres couches de plastique de fortune au dessus des caisses de semis.

Pépinière en construction - Ferme de Videau
Pépinière en construction

Après Fanny et David, nous avons la visite des parents de Laëtitia pour le week-end. Le 26 février a lieu un événement de taille dans la jeune histoire de la ferme de Videau: c’est le premier anniversaire d’Anaïs! Papy a fabriqué de ses propres mains une «tour d’observation Montessori» en bois, sur laquelle notre gosse pourra tenir debout et assister à tout ce qui se passe sur le plan de travail de la cuisine. Tous les trucs pour la distraire sont bons à prendre, hein, et ça fera autant de cuillerées de yaourt en plus qu’on n’aura pas besoin de négocier. Le dimanche, on achève le montage de la pépinière avec Laëtitia, et on rend visite au voisin Yves, qui ne nous a pas beaucoup vus depuis le début de l’année.

Le 1er mars, je trouve le temps de poncer la première couche d’enduit entre les plaques de plâtre de la chambre d’Anaïs. Contrairement à la salle de bain, rien n’est encore vraiment fini, même si la chambre est occupée. Le soir, avant le couchage de la petite, il faut ranger le matériel, tout nettoyer, passer l’aspirateur. Les journées de travail sont donc courtes. Le lendemain, c’est pour Laëtitia sa première journée à la nouvelle maison du bien-être de Pinel-Hauterive (47), où deux clientes ont réservé un massage complet. Le mercredi, autre rendez-vous du côté de Cancon (47). Et encore un le vendredi, à Eymet (24). Laëtitia reçoit elle-même une séance énergétique. Le bien-être a la côte.

Arrosage des laitues - Ferme de Videau
Damien arrose les laitues

Cette première semaine de mars est marquée par l’arrivée de Damien, un WWOOFeur déjà passé par chez nous, et apparemment pas rancunier. Parfait, on ne manque pas de boulot: dans la même semaine, on sème les fleurs, les tomates de plein champ, les oignons, les physalis, le basilic et les radis, on plante les laitues, les sucrines et les betteraves. Damien passe la grelinette, il adore ça. Je prépare les planches sous les tunnels, souvent avec le motoculteur. Et à nouveau, trois récoltes par semaine, les deux marchés et la vente de paniers à emporter. On arrive quand même à faire un peu de bois à Seyches (47), mais on y rate le déjeuner.

Le samedi, on ne rate pas l’autre déjeuner, celui qui clôture la taille de la vigne du voisin Yves. Il n’y a que quelques rangs, mais Damien y apprend la technique de base auprès de notre doyen, pendant que je perfectionne les miennes. Le lendemain, dimanche 7 mars, l’Expert est en panne et je me rends au marché de Pujols avec un tout petit fourgon de prêt. Heureusement, j’ai peu de marchandise. Maintenant que j’ai écoulé choux et poireaux, mon étal s’est réduit comme peau de chagrin, tandis que celui des revendeurs pète la forme. Il faut dire que j’ai raté beaucoup de mes salades, complètement les blettes, et que les épinards restent un peu chétifs. Saison creuse ou pas, je ferai mieux l’an prochain.

Taille de la vigne - Ferme de Videau
Petite leçon de taille de la vigne

Avec Damien, on entre à fond dans la saison. Il faut épandre du fumier de vache (avant la plantation des tomates et concombres), passer la grelinette à peu près partout, biner l’ail, palisser les fèves, poser paillages plastiques et irrigation… Aurore est bientôt de retour. Ensemble, ils vont repiquer les fleurs et les tomates, déplacer des petits arceaux, désherber… Et m’assister dans l’installation, tout juste improvisée, de deux nouveaux tunnels de 25m. C’est que les bords de serre, où s’accumule l’eau de pluie qui coule de la bâche, restent trop longtemps inexploitables car trop humides à la fin de l’hiver. Ils doivent être supprimés. De quatre planches par tunnels, je dois passer à trois. Et donc ajouter de nouveaux tunnels pour maintenir la surface cultivable.

La pépinière, elle, est achevée. Avec beaucoup de récup’: plusieurs couches de polystyrène pêchées chez le voisin feront une longue table basse isolante pour semis et plants, des fûts de 200 L remplis d’eau et peints en noir apporteront un peu d’inertie. Aussitôt terminé, l’abri est aussitôt rempli. Tiens, au fait, on attend toujours des nouvelles de la demande de subvention pour notre projet de serre bioclimatique accolée à la maison. L’an prochain, c’est évident qu’une seule pépinière ne suffira pas. Notre copine Alex a l’habitude de fumer sa clope sous l’auvent délabré de la maison, à l’emplacement de cette future véranda. Nous y tombons nez à nez avec un triton marbré. Si les tulipes d’Agen disparaissent un jour à cause du réchauffement climatique, ce sera lui notre mascotte.

Serre de laitues et épinards - Ferme de Videau
Quatre planches par tunnels, c’est trop

À la mi-mars, Anaïs connaît une poussée de fièvre sans précédent, et doit rester à la maison. Diagnostic après 48h: de nouvelles dents qui arrivent. Les nuits sont plus agitées que jamais, mais le jour, notre fille enchaîne des siestes record. Paperasse, lessive, ménage, chauffage, entretien de la ferme, travaux à l’étage… tout prend du retard. Pour ne rien arranger, le motoculteur tombe (encore) en panne. Et la saison de maraîchage n’en est qu’à ses balbutiements! Heureusement, Damien aime toujours autant manier la grelinette, et j’ai pu consacrer une journée de plus aux joints placo de la chambre d’Anaïs. J’avance même un peu sur le nouveau site web du marché bio de Villeneuve-sur-Lot. C’est toujours ça de fait. Puis de nouveaux plants arrivent de chez l’horticulteur. Il va falloir mettre les bouchées doubles!

Lundi 22 mars, pendant que je charge chez le voisin Pépito des boules de paille pour couvrir la plantation de patates, Damien et Laëtitia font un grand ménage sous le hangar en prévision de la journée des tulipes d’Agen. Cette année, la fête annuelle pousse des ramifications à la ferme avec l’inauguration du numéro 7 de la revue Le Citron qui nous est entièrement consacré. On s’en félicite, mais il va falloir faire propre: passage de débroussailleuse, installation d’écriteaux. À part ça, il faut planter des tomates, des courgettes, des concombres, des betteraves, des melons et des laitues. La maigreur des récoltes devient une aubaine, on peut se concentrer sur la saison qui vient. Laëtitia a quelques rendez-vous, et aussi une prestation de massages assis en entreprise toute la journée du jeudi.

Journée des tulipes 2021 - Ferme de Videau
Présentation de la ferme pendant la journée des tulipes (photo CEDP)

Le samedi 27 mars, la journée des tulipes bat un record de fréquentation, bien relayé par la presse et peut-être un peu aussi par mon passage éclair sur radio 4. Myriam Goulette est venue présenter la revue Le Citron, et Jacques Réjalot (c’est un copain du marché bio de Villeneuve-sur-Lot) ses vins de Buzet. Pour les adhérents du CEDP, je fais une petite présentation de notre projet agro-touristique. Beaucoup d’encouragements et de mots aimables en retour. Mais on ne se relâche pas pour autant et le soir-même, toute les boules de paille acheminées depuis le village voisin ont finalement été déroulées sur la parcelle des pommes de terre. Le lendemain, c’est dimanche, mais il n’y a plus de dimanches qui tiennent: après le marché, on commence la plantation des patates.

Ces patates plantées avant la fin du mois de mars, c’est déjà en soi une bonne nouvelle. Mais quand le moteur du motoculteur démarre à nouveau, on en ferait presque la fête. Le lundi, je retrouve mes collègues au grand raout des maraîchers petite surface (le premier de l’année) et c’est une journée d’échange traditionnellement si riche et excitante que j’en sors davantage fatigué que d’une journée de boulot. Laëtitia et moi sommes plus ou moins enrhumés, sans doute un germe issu de la crèche, comme d’habitude. À moins que ce ne soit… le COVID? Damien, notre WWOOFeur de mars, n’a aucun symptôme. Il s’apprête à quitter la ferme en pleine troisième vague, car voilà que ça continue, encore. À nouveau, le confinement.

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