Il y a deux ans on m’a donné des semences de piment habanero «Scotch Bonnet» ramenées par un ami de l’île de la Réunion. Il s’agit d’un piment très fort et à la saveur caractéristique, traditionnellement cultivé dans les Caraïbes.
Les semis de l’an dernier, en 2015, on été peu fructueux. Trois plants seulement, sur une quinzaine attendus, sont sortis de terre et ont donné des fruits, dont j’ai conservé quelques graines. Mais de cette façon, j’ai pu faire cette année l’expérience de la conservation de semences… avec succès!
Cette question de la réappropriation des semences par nous-mêmes est largement débattue ici où là. La main-mise sur cette extraordinaire matière première, sa production et sa distribution, par des entreprises spécialisées (on pense à Monsanto) au détriment des paysans est évidemment très décriée. L’association Semences Paysannes, entre autres, dénonce le danger que cette situation fait peser sur la biodiversité.
Que la production de semences vous revienne et les avantages sont nombreux. Par exemple, les semences auto-produites donneront des plantes avec davantage de «variabilité», donc adaptées aux conditions naturelles d’un terroir précis (précipitations, ensoleillement, nature du sol, voisinage et interaction avec d’autres espèces). Dans le cas de plants issus de semences hybrides, certes plus stables et homogènes, conçus pour être cultivés en toute circonstance, ce sont au contraire les pratiques culturales (irrigation, engrais, traitements…) qui devront être adaptées.
J’ai pris conscience, en réutilisant ces semences de piment habanero, de participer moi aussi à ce geste de réappropriation du vivant. J’ai eu le sentiment d’ajouter ma pierre à l’édifice. De joindre ma voix à la grande rumeur post-industrielle du monde agricole!
Toutes proportions gardées, hein. Juste une petite graine par-ci, une petite graine par-là. Onze graines en tout, pour être exact.
Les semences 2015, récupérées et conservées dans des conditions que j’ignore, n’avaient pas réussi au climat métropolitain de France et péniblement germé à une température moyenne de 20°C. Le résultat était accablant, et c’est sur le plus beau des trois seuls spécimens survivants que je prélevais les plus beaux fruits pour en retirer les semences dans lesquelles je mettais peu d’espoir. Pourtant, ce travail de sélection allait être payant: cette année, au mois d’avril, onze plantules s’élevèrent du terreau nourricier, soit un taux de germination de 100%!
Cette expérience ne fût pas réalisée selon une rigueur toute scientifique, mais il est indéniable que la conservation de mes semences de piment habanero d’une année sur l’autre a pu servir l’acclimatation de l’espèce. Si ce n’est pas une preuve de variabilité, ça, je veux bien brûler vif dans les flammes l’enfer d’une habanero hot sauce!