L’amie Babette m’a prêté Promenons-nous dans les bois (A Walk in the Woods), de l’américain Bill Bryson. À mi-chemin entre le roman et le gonzo scientifique, ce passionnant récit à la première personne m’a enchanté. Et m’a bien fait marrer.
Homme marié, entre deux âges, l’auteur soumet à son éditeur l’idée de parcourir le célèbre Appalachian Trail (sentier des Appalaches), ancêtre des chemins de grande randonnée dans l’Est des États-Unis. Fortement documenté, notamment au sujet des ours noirs qui pullulent dans la zone et représentent un danger non-négligeable, mais pas physiquement préparé, il s’embarque avec un ami d’enfance dans une randonnée hors-norme: environ 3500km, un dénivelé cumulé délirant et des conditions climatiques dingues. L’isolement et les privations achèveront d’en faire un récit tragi-comique.
La fiche wikipédia de Bill Bryson nous apprend qu’il s’est spécialisé dans les récits de voyage humoristiques. L’auto-flagellation rigolarde, au nom d’une forme de renouement avec la nature et son propre corps, du narrateur et l’inconstante détermination de son compagnon alcoolique repenti suffisent à nous bidonner. Mais Promenons-nous dans les bois est aussi une occasion supplémentaire pour le bonhomme d’exceller dans la critique acerbe et réjouissante de la modernité. Tourisme et consommation de masse, interventionnisme dévastateur de l’homme dans la nature, errements dans la gestion des parcs nationaux américains passent à sa moulinette. Imaginez Michael Moore, mais en équipement de trekking.
Bill Bryson passe pour un bon vulgarisateur scientifique. Le récit de voyage s’accompagne donc d’une véritable leçon de choses, laquelle englobe une histoire cocasse mais véridique des États-Unis, mais aussi de rigoureuses (et souvent morbides) informations scientifiques et des statistiques à faire pâlir le Guinness Book. Le recensement des attaques d’ours succède aux chiffres de la marche à pied d’un américain moyen. La description de la mortelle folie qui s’empare des victimes de l’hypothermie précède l’état des lieux de la flore et de la faune du Great Smoky Mountains National Park.
Par exemple, j’ai été marqué par l’évocation du châtaigner d’Amérique (Castanea dentata), très répandu dans ces forêts avant l’arrivée des premiers colons, et qui pouvait atteindre les 30m de haut. Dans Promenons-nous dans les bois, Bill Bryson pointe la fragilité de ces mastodontes, imposants par la taille mais dont la partie vivante est en fait entièrement située dans l’aubier, ces quelques centimètres de couche superficielle du tronc.
En fait de modèle vivant pour mon dessin, ce châtaigner d’Amérique est désormais un arbre mort. Devant son tronc creux pose un hiker barbu. Au début du XXème siècle, le châtaigner a été rapidement et totalement éradiqué du continent nord-américain par un champignon, importé du Japon en même temps que des plants de pépinière.