Du 20 mai au 2 juin 2019
La semaine démarrait sagement par diverses activités d’intérieur: déclaration commune d’impôts, fabrication de lessive. Laëtitia digérait un dimanche passé au salon du bien-être de Miramont-de-Guyenne à guetter des visiteurs qui ne vinrent jamais. Le lancement de son activité de masseuse méritait de nombreuses heures de présence à des événements professionnels, à condition que ces événements soient organisés de façon sérieuse. Puis le bureau fut submergé de cartes postales éditées par nos soins, que Laëtitia adressait aux donateurs de notre campagne de financement participatif avec un mot de remerciement. C’était une matinée un peu déconnectée et j’étais heureux de retourner à mes semis: laitues et courges, ces dernières envoyées par mon semencier habituel pour compenser les mauvais résultats du semis précédent. Puis je plantais des fleurs au milieu des tomates, des concombres et des melons, je mettais en place un grillage de clôture qui servirait de tuteur aux haricots de Soissons.
Mercredi, c’était mon deuxième jour de marché à Villeneuve-sur-Lot. J’enrichissais l’étal d’une quinzaine de bottes de radis en plus d’un gros stock de fèves d’Aguadulce. Un début timide, mais qui me permettait d’organiser la logistique en douceur. Au passage, je livrais un colis de fèves (j’en produisais des montagnes) à un magasin bio, pendant que Laëtitia faisait imprimer quelques flyers annonçant la vente de légumes du samedi au golf de Tombebœuf. L’après-midi, on attaquait le grand ménage sous le porche de la grange, encombré d’une pile d’éléments de charpente, de gravats et autres déchets divers, en vue du passage d’un tuyau, du creusement d’un drain… et l’organisation de festivités. En bref, on faisait place nette pour une buvette. Les jours suivants, nous tirions le tuyau d’adduction vers le futur gîte depuis le compteur d’eau. Du coup je déplaçais le robinet qui se trouvait là, départ du tuyau d’arrosage vers le jardin, devant la maison, 50m plus bas. Je rebouchais la tranchée. J’installais des prises électriques sous le porche et rétablissais la lumière. La buvette devenait coquette.
Laëtitia passait la débroussailleuse, dont elle devenait experte, puis revenait à ses massages. Il lui fallait aussi préparer une session d’étirement à destination des golfeurs. Le samedi, alors que je tenais mon étal devant le golf de Tombebœuf, où je retrouvais mes fidèles clients et faisais connaissance avec quelques nouveaux qui me prenaient toutes mes bottes de radis, eut lieu une petite Ryder’s Cup, compétition opposant les joueurs membres européens aux autres membres de nationalité anglaise. Laëtitia donna sa petite leçon d’étirements, avant de filer dépanner nos voisines pour un baby-sitting en urgence. J’annulais la sieste pour la taille des concombres qui commençaient à devenir de belles plantes, pour un nouveau semis de radis et de quelques belles de nuit car celles que j’avais semés en direct avaient été gobées par les limaces. Autres indésirables, des pucerons sur les courgettes et sur le houblon. Je notais de recourir à une recette qui a fait ses preuves: savon noir et alcool à brûler. Enfin, je mettais en service un canon anti-oiseaux apporté par le voisin Garonnais, ultime élément de l’arsenal dressé contre la sauvagine du tunnel n°4, dont les melons étaient toujours régulièrement la cible.
Dimanche, on votait aux européennes, et Laëtitia scrutait la chose en sa qualité d’assesseur, dans la petite mairie de Villebramar où tout le monde se connaît. Puis on retenait pour le café Christelle et Patrice et leurs enfants, venus voir la vigne du papy Yves, notre voisin, dont ils avaient désormais la responsabilité. Le vin blanc liquoreux de Videau restait donc une histoire de famille. Et la famille, c’est de la main d’œuvre! La notre devenait un peu moins hypothétique avec la création par Laëtitia d’un profil sur le site de WWOOF France. Au départ, l’idée de recruter de la main d’œuvre gratuite au-delà des copains et de la famille me mettait mal à l’aise, mais les demandes spontanées que nous avions reçues de travailleurs volontaires désireux de troquer gîte et couvert contre une vie déconnectée de saisonnier avaient éloigné mes scrupules. Notre projet attirait, nous en profiterions donc un peu. Mais en attendant, on écossait des fèves en petit comité, car la production était supérieure à nos capacités de vente et il fallait congeler de quoi nourrir nos futurs invités.
Lundi, je participais à la deuxième journée d’une formation consacrée à la biodiversité, et animée par une agricultrice-enseignante au savoir encyclopédique: Mme Sarthou. On en remit une couche sur l’importance de faire une place aux fleurs dans nos parcelles, lesquelles attiraient aussi bien les insectes pollinisateurs que les parasitoïdes, prédateurs des pucerons. On visita deux fermes, avec un arrêt prolongé le long d’une haie champêtre, relevant quelques pièges à insectes, détaillant les essences et commentant l’intérêt écologique et climatique de l’ensemble. J’avais hâte que la commission d’attribution des subventions se prononce en faveur de mon propre projet de plantation! À cette même heure, Laëtitia complétait les revenus de son activité par de la garde d’enfants, lesquels lui laissaient peu de marge de manœuvre pour profiter d’un wifi providentiel. Providentiel? Internet avait complètement cessé de fonctionner à la maison et nous étions déconnectés depuis 5 jours. Nous attendîmes l’intervention d’un technicien sans manifester de signes d’addiction, en bons néo-ruraux ayant retrouvé le goût de la simplicité, mais avec un soupçon d’impatience quand même.
À part ça, on vivait une presque routine au jardin, rythmée par les récoltes et l’arrosage. Une routine un peu dérangée par l’arrivé de plants de poivrons et de piments, la perspective d’organiser une matinée de plantation groupée avec la dernière série de melons, ainsi que par la nécessité d’installer un arrosage goutte-à-goutte dans l’ail car le temps était à la chaleur estivale et que les bulbes déjà gros ne devaient pas manquer d’eau. Je passais la débroussailleuse, je binais l’ail et les oignons. Au marché bio de Villeneuve-sur-Lot (mon 3ème), j’emmenais des plants de basilic. L’étal prenait de l’importance. Mais le samedi, je dépliais carrément, pour la première fois, la grande table en aluminium afin de présenter les cerises bigarreau récoltées devant la maison par Laëtitia, les plateaux de merises et des bouquets d’arums livrés gracieusement par notre plus fervente supportrice Bernadette, des plants de basilic et des œillets d’Inde, des choux pointus, des radis, des laitues et encore des fèves… Hélas, la recette ne fit pas honneur à l’esthétique de l’ensemble, faute de fréquentation en ce long week-end de l’ascension.
Samedi toujours, le compteur des massages affichait 5 prestations pour la semaine, dont quatre nouveaux clients. De mon côté je bricolais un couvercle à des bidons de 200L, qu’on peindrait en noir et qui deviendraient de rustiques chauffe-eau solaires pour une douche d’extérieur qu’il nous fallait encore construire. Puis on reçut pour dîner un oncle et une tante sur le chemin de Pau: on mangea des fèves, bien sûr, et un clafoutis aux merises. Le lendemain, avant leur départ, ils nous félicitèrent pour notre courage, sans doute émus par l’aspect soufflé de la cour, car un entrepreneur venait de refermer des tranchées contenant l’évacuation des eaux de toiture de la grange, ainsi qu’un drain pour protéger son porche du ruissellement. Ce nouveau chantier achevé était un nouvel encouragement s’ajoutant à ceux de nos hôtes. Le temps était au beau fixe, les récoltes augmentaient, nous arrivions à maîtriser à peu près le planning, à défaut de maîtriser la caisse-enregistreuse. Quant à Internet, c’était enfin rétabli. Et ce blog de repartir de plus belle, dans la joie et la bonne humeur.